C’est la couleur que l’on associe au ciel et à l’eau. Le bleu est si présent dans la nature que l’on a du mal à croire qu’il est l’une des couleurs les plus difficiles à obtenir. En effet, impossible de faire du bleu en prenant un bout de ciel ou un seau d’eau !
Tableaux contemporains de couleur bleue
Fabriquer du bleu de manière artificielle
Il y a des milliers d’années, vers 3000 avant J.-C., les Égyptiens ont été les premiers à fabriquer du bleu de manière artificielle. Comment ? En mélangeant de la poudre de calcium, du sable du Nil et du cuivre, et en les chauffant à près de 830 °C. Ils obtenaient ainsi une sorte de pâte de verre colorée bleu clair ou bleu foncé, dont ils se sont servis tout d’abord pour faire des bijoux. Puis, vers 2500 avant J.-C., ils se sont aperçus qu’ils pouvaient en faire un pigment en la broyant. C’est ainsi que ce bleu s’est retrouvé à couvrir des objets ou les plafonds des tombes.
Le bleu est une couleur magique
En Égypte, le bleu est une couleur magique : il a le pouvoir d’éloigner le mal ! Les Égyptiens portent souvent autour du cou des amulettes bleues pour se préserver des maladies et du malheur. De même, ils en disposent entre les bandelettes des momies, et on trouve très souvent de petits objets bleus dans les tombes, pour protéger les morts dans l’au-delà.
Un bleu symbole de la création
Le bleu turquoise, chez les Égyptiens, symbolise l’univers aquatique du Nil. L’hippopotame bleu, pourtant, c’est un animal très dangereux et les Égyptiens s’en méfiaient. Le pachyderme de trois ou quatre tonnes pouvait piétiner et dévorer leurs récoltes, près du Nil. Le bleu est la couleur du marais dans lequel il se baigne toute la journée et les fleurs qui apparaissent sur son corps sont les plantes que l’on trouve dans l’eau, comme le lotus.
Cette fleur est aussi un symbole de la création, car, chez les Égyptiens, le soleil est né dans un lotus.
Cet hippopotame bleu est fait en faïence, un matériau réalisé avec de la terre contenant du quartz, du sable et d’autres minéraux qui, chauffés à très haute température, durcissent.
Les ciels bleus des tableaux
Au Moyen Âge, sur les premières cartes marines, l’eau est d’abord verte. Mais entre le XVe et le XVIIe siècle, sur les cartes géographiques, les fleuves, les rivières, les océans sont bleus.
Pour la première fois en Occident, les artistes ont peint des ciels bleus dans les tableaux. Mais le bleu se met aussi à couvrir les vitraux dans les églises gothiques, car cette couleur est associée à la lumière et désigne la présence de Dieu. L’abbé Suger, lorsqu’il fait reconstruire la basilique Saint-Denis, veut mettre des couleurs partout, et surtout du bleu.
La couleur bleue des rois de France
Se parer de bleu devient aussi très à la mode chez les rois de France. Le premier à l’employer est le roi Philippe Auguste (1165-1223). Son petit-fils, saint Louis, fait de même, si bien que le bleu devient la couleur des rois de France et des grands seigneurs. On dit d’ailleurs des personnes qui sont issues de la noblesse ou de l’aristocratie qu’elles sont « de sang bleu ».
Monochrome bleu et infini
Yves Klein fait des tableaux entièrement bleus, des surfaces monochromes. Il a choisi cette couleur car, dans la nature, le bleu est immatériel et rappelle le ciel ou la mer, impossibles à saisir. Il n’a pas choisi n’importe quel bleu : c’est du bleu outremer artificiel ! Le problème était qu’à chaque fois qu’il le mélangeait avec un liant, son pigment préféré perdait tout son éclat.
Pour y remédier, il a demandé l’aide d’un marchand de couleurs et, avec lui, a élaboré un nouveau bleu, mélangé avec de l’acétate polyvinylique et de la résine. En 1957, il le baptise IKB, International Klein Blue. Quand on regarde ses tableaux bleus, on a l’impression qu’ils flottent. Ce sont des espaces apaisants, soyeux, paisibles, où il fait bon rêver. Pour Yves Klein, ce bleu est la couleur de l’espace infini. C’est un peu la même idée que Malevitch avec le tableau blanc.
Invention du bleu de cobalt
La recette des Égyptiens pour faire du bleu s’est malheureusement perdue au fil du temps. C’est donc le lapis-lazuli qui a surtout été utilisé pour produire un bleu éclatant appelé « bleu outremer » – « outremer », parce que cette pierre venait d’au-delà des mers : d’Afghanistan. Cette couleur est très rare et très chère, car le lapis-lazuli doit être travaillé, c’est-à-dire broyé, purifié et préparé, avant d’être transformé en pigment (poudre colorée) ; un travail qui prenait plusieurs mois. Heureusement qu’il existe d’autres teintes, faites à partir du pastel (ou guède) et de l’Indigo…
En 1802, le chimiste Thénard invente un pigment très bleu, très vif, fait avec du cobalt, d’où son nom de bleu de cobalt, qui est très vite commercialisé.
Le bleu pour des tableaux représentant des personnages sacrés
Au Moyen Âge, le bleu évoque surtout la Vierge Marie, la mère de Jésus. À partir du XIIe siècle, elle apparaît habillée en bleu. C’est même elle qui lance cette mode. Avant, elle était plutôt habillée en rouge, en marron ou en noir.
Pourquoi ce changement ? Pour renforcer sa position d’intermédiaire entre Dieu et les hommes, entre le ciel et la terre. Regardez le très beau Diptyque de Wilton : la Vierge y porte une robe et un manteau bleus, de style gothique, comme les anges.
Ce bleu est éclatant, très lumineux. C’est du bleu outremer, ce bleu créé avec du lapis-lazuli. C’est un produit très cher, et comme tout ce qui est rare est précieux, il devient normal de l’utiliser pour des tableaux représentant des personnages sacrés – à tel point qu’il est parfois interdit d’utiliser le bleu pour colorer d’autres sujets !
Peindre la nuit en bleu
C’est vrai, elle est généralement noire ou grise, car il n’y a plus de lumière. Pourtant, Vincent Van Gogh a choisi de la peindre en bleu, ainsi que l’eau du Rhône qui traverse la ville d’Arles. Les étoiles brillent dans le ciel, mais ce ne sont pas elles qui se reflètent dans l’eau. Ce sont les lumières des réverbères à gaz.
La nuit est un sujet très apprécié de Van Gogh. C’est le moment de l’apaisement, du réconfort, de la poésie, et elle lui semble « encore plus richement colorée que le jour ». C’est par une belle nuit qu’il a choisi de représenter un couple en promenade.
L’homme est aux couleurs du tableau, en jaune et bleu. Avec son chapeau de paille, il ressemble beaucoup à Vincent Van Gogh dans un de ses célèbres autoportraits. Cette nuit-là, il a sûrement collé des bougies sur le rebord de son chapeau pour bien voir ce qu’il peignait. Il utilise du bleu de cobalt pour peindre le ciel, ainsi que du bleu de Prusse (inventé en 1706) et du bleu outremer synthétique (inventé en 1828).