Qui est Henri Matisse ?
Si Matisse a été le chef de file des fauves, son œuvre se situe bien au-dessus d’un groupe ou d’un mouvement.
On l’a souvent comparé à Picasso : l’un et l’autre ne furent-ils pas indépendants, réalisant une oeuvre aux orientations changeantes et exerçant une influence extraordinaire tout au long du XXe siècle ?
En 1887, Matisse se rendit à Paris pour étudier le droit; trois ans plus tard, il décidait de devenir artiste peintre. Il entra notamment en 1892 dans l’atelier de Gustave Moreau : réputé symboliste, Moreau est surtout connu pour sa remarquable ouverture pédagogique : beaucoup de fauves dont Camouin, Marquet, Manguin, etc. travaillèrent chez lui.
Il communiqua à Matisse son enthousiasme pour Chardin, qui se manifeste explicitement dans des tableaux précoces.
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Matisse découvre très vite l’Impressionnisme et les postimpressionnistes, avec un intérêt tout particulier pour Cézanne.
Durant l’été 1904, il travaille à Saint-Tropez avec Signac, pointilliste émule de Seurat, et y peint l’étonnant « Luxe, calme et volupté », dont le titre est emprunté à un poème de Baudelaire, l’Invitation au Voyage : « tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté ».
Matisse y utilise justement le Pointillisme totalement à rebours : les touches sont trop grosses et les couleurs trop éloignées dans le spectre pour que l’œil puisse en effectuer la synthèse ; du reste, le support reste très apparent entre les touches disjointes, et les couleurs ne se limitent pas à celles du spectre comme le préconisait Seurat.
Pour Matisse, ce tableau est l’occasion d’expérimenter l’abandon du ton local et de trouver une construction du tableau par la touche, proche de la « maçonnerie » cézannienne.
Si le titre fait moins allusion au thème qu’à la peinture elle-même (luxe de l’ensemble, calme de la construction régulière, volupté de la couleur), c’est encore le cas d’un thème récurrent dans l’œuvre de Matisse : celui des fenêtres, qui joue justement a contrario du célèbre précepte d’un théoricien de la Renaissance, Alberti : « Faites que votre tableau soit comme une fenêtre ouverte sur le monde » ; les fenêtres de Matisse ne s’ouvrent que sur la peinture : un monde de peinture, et non un monde en peinture.
L’historien d’art Jean-Claude Lebensztejn a analysé comment la logique de la construction par couleurs pures, qui interdit les dégradés, avait conduit Matisse vers 1905 à l’« accord par la troisième couleur » : dans le Portrait de Madame Matisse à la raie verte, l’opposition ombre/lumière se traduit par les plans ocre / rose, la raie médiane verte faisant accord d’un côté, et la ligne bleue qui la double remplissant le même rôle de l’autre côté.
Matisse abandonne ensuite ce type d’accord. Vers 1910, le ton local revient en aplats comme il est manifeste dans la Danse, l’une des deux décorations conçues pour un collectionneur russe ; l’autre s’intitule La Musique, mais son commentaire peut s’appliquer aux deux œuvres : « Mon tableau la Musique était fait avec un beau bleu pour le ciel, le plus bleu des bleus (la surface était colorée à saturation, c’est-à-dire jusqu’au point où le bleu, l’idée de bleu absolu apparaissait entièrement), le vert des arbres et le vermillon vibrant des corps ».
En somme, ce n’est pas tant le ton local qui intéresse Matisse, que « le jeu de couleurs très simples, élémentaires et peu nombreuses ; et une insistance plus grande sur les quantités et les rapports ».
Ces notions prendront une place croissante dans l’œuvre d’un peintre qui considérait qu’un mètre carré de bleu était plus bleu qu’un centimètre carré, parce que le spectateur s’y trouvait plus immergé.
Entre 1910 et 1915, tous les éléments qui allaient caractériser l’œuvre de Matisse étaient en place ; toutefois, comme dans le cas de Picasso, ceux-ci devaient connaître des changements très personnels tout au long de la carrière de l’artiste.
C’est ainsi qu’en 1915 le thème de l’arabesque et les motifs ornementaux cèdent la place à une rigoureuse géométrie rectiligne s’apparentant au Cubisme ; par la suite, dans les années 1920, après avoir développé une peinture d’une grande simplicité, très plane, avec un espace non plus illusoire mais pictural, fondé sur la couleur. Ce type d’œuvre d’art est une source d’inspiration pour l’artiste peintre que je suis dans mes collections et on retrouve les grandes lignes des idées chez un grand nombre d’artistes actuels.
Matisse revient à un certain classicisme en renouant avec le modelé des formes et des ombres ; il retrouve enfin dans les années 1940 une peinture plane.
Dans la dernière partie de sa vie, à quatre-vingts ans passés, et alors qu’il pouvait à peine peindre dans son atelier, l’artiste créa les Nus bleus (1952) avec des papiers de couleurs découpés, technique qu’il avait déjà utilisée dans les années 1930 pour la Danse de la fondation Bames et pour une autre grande composition murale : la Chapelle du Rosaire, à Vence (1949-1951).